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Prévoir le comportement des joueurs : « Nous n’avons jamais eu autant d’informations qu’aujourd’hui. »

Nous avons discuté avec Keith Whyte, directeur exécutif du Conseil national sur le jeu compulsif, pour comprendre ce que signifie vraiment le concept de jeu responsable pour le secteur, les autorités de régulation et les opérateurs, et voir comment la technologie peut être un appui. Nous avons aussi parlé de ceintures de sécurité.

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Le jeu responsable n’est pas juste un slogan en vogue ou un atout commercial pour le secteur. C’est un engagement social, et pas seulement une question d’éthique d’entreprise.

De plus en plus de pays et d’états américains légalisent le jeu et les paris. Dans ce contexte, il devient crucial pour toutes les parties impliquées (autorités de régulation, opérateurs et sociétés de martech comme Optimove) de déterminer quand, où et comment le secteur peut venir en aide à ceux pour qui le jeu est un problème.

Nous nous sommes donc entretenus avec Keith Whyte, directeur exécutif du Conseil national sur le jeu compulsif (NCPG) des États-Unis. Nous avons parlé des règlementations en place, des freins qui empêchent l’industrie d’évoluer, de l’avenir du jeu responsable et de ceintures de sécurité. Évidemment.

OP : Le mieux est sans doute de commencer par le commencement : qu’est-ce qu’un « problème de jeu » ? Quelle définition le NCPG lui donne-t-il ?

Keith Whyte : Nous parlons de problème de jeu lorsqu’un joueur subit une souffrance en lien avec sa pratique du jeu. La plupart des personnes qui en sont touchées peuvent retrouver une vie normale. Mais pour certains, le problème ne fait que s’aggraver. Aux stades les plus avancés, il peut mettre la vie de l’individu en danger, car on observe des taux de comportement suicidaire élevés chez les personnes atteintes de graves problèmes de jeu.

Que font les autorités de régulation américaines pour aider ces personnes ? Et quelles sont les différences entre les règlementations américaine et britannique ?

Il y a un consensus au Royaume-Uni : les opérateurs doivent mettre les données qu’ils collectent au service du jeu responsable, et pas seulement les utiliser à des fins de marketing et d’optimisation des profits. Aux États-Unis, d’après ce que je sais, aucune autorité n’a formellement statué qu’une entreprise est dans l’obligation d’utiliser les données qu’elle collecte pour encourager le jeu responsable. Plusieurs de nos grands opérateurs travaillent avec des acteurs comme Optimove pour recueillir des données dans une optique de jeu responsable, mais je pense que nous avons encore beaucoup à faire pour approcher les pratiques britanniques.

Le jeu est légal dans une trentaine d’états américains, et chaque état a sa propre règlementation. Comment votre organisation gère-t-elle cela ?

C’est extrêmement difficile. Les États-Unis comptent près de 1 000 agences de régulation du jeu. Nous appelons à une harmonisation volontaire des normes de jeu responsable, mais le Conseil existe déjà depuis 50 ans, et il faudra peut-être 50 ans de plus. Aux États-Unis, la question du jeu responsable est entre les mains des opérateurs, pas des autorités de régulation. Et un peu entre les mains d’ONG comme la nôtre.

Nous allons parler des opérateurs mais, de votre point de vue, que devraient faire les autorités de régulation en termes de jeu responsable ?

Quand on parle de régulation, il faut savoir que des choses aussi simples que l’âge minimum légal pour jouer ne sont pas les mêmes d’un état à l’autre. Fort heureusement, nous avons harmonisé certains aspects : nous avons un centre d’appel national, un service national de sms et de discussion en ligne, des campagnes nationales de sensibilisation. Par ailleurs, des leaders de chaque secteur de l’industrie, y compris des organisations sportives, se sont joints à nous pour soutenir ces programmes. La situation est éminemment complexe, mais les opportunités sont là : on peut œuvrer pour une meilleure approche de santé publique en matière de jeu responsable.

Et que doivent faire les opérateurs de leur côté ?

Une grande partie de nos opérateurs traditionnels ne forment toujours pas l’ensemble de leurs collaborateurs au jeu responsable. La marge d’amélioration est donc importante. Mais les nouveaux acteurs qui apparaissent sur le marché apportent des idées inédites venues du Royaume-Uni, d’Australie et d’Europe. Il est donc possible d’innover et de prendre de l’avance sur les règlementations, mais il faut que tous les opérateurs s’y mettent, une minorité ne suffit pas.

Comment des entreprises comme Optimove peuvent-elles aider les opérateurs, les autorités de régulation et des organismes comme le NCPG à promouvoir le jeu responsable ?

Aujourd’hui, nous savons mieux que jamais comment et pourquoi les gens jouent. Nous accumulons chaque jour des téraoctets de données sur le sujet. Notre défi est maintenant de réunir toutes ces informations et de les mettre au service du jeu responsable. Plus nous aurons de données, plus nous réunirons de partenaires, et plus nous pourrons venir en aide aux joueurs avant qu’ils ne montrent des signes de problème. C’est là que la technologie intervient.

L’une des grandes difficultés en matière de jeu responsable consiste à faire la distinction entre joueurs VIP et joueurs à risque. Comment trouvez-vous le bon équilibre entre ces deux profils ?

Le Conseil national vous répondrait que certains joueurs sont effectivement à haut risque. Il s’agit donc d’atténuer ce risque, tout en conservant les programmes VIP et de fidélité. Plus vous consacrez de temps et d’énergie au marketing axé sur les VIP, plus vous devez en consacrer à la promotion du jeu responsable auprès de ce public. C’est comme cela que vous pouvez trouver un équilibre.

Comment définiriez-vous un joueur à risque ? 

Très honnêtement, toute personne qui joue est à risque, car susceptible de développer un problème dès lors qu’elle commence à jouer. De la même manière, tout conducteur ou tout passager d’une voiture est à risque de subir un accident. Nous savons que ce ne sera pas le cas pour la plupart d’entre eux, qu’il s’agisse de jeu compulsif ou d’accident de voiture, mais clairement, nous manquons de bons modèles prédictifs pour identifier les individus les plus exposés, en particulier chez les opérateurs qui n’ont pas adopté la bonne technologie dans le domaine.

Pour filer encore un peu la métaphore de la voiture, de la même façon que les constructeurs automobiles considèrent les feux de circulation et les ceintures de sécurité comme des incontournables de leur industrie, au point que sa viabilité même en dépend, les opérateurs doivent s’approprier la sécurité et chercher à innover.

Pour en revenir à la question du risque, c’est la raison pour laquelle nous jouons qui détermine le risque. Et la façon dont nous jouons en est une expression. La motivation qui pousse le joueur à jouer est donc l’un des facteurs de risque les plus importants, et c’est celui sur lequel les opérateurs n’ont aucune visibilité.

Comment envisagez-vous les prochaines étapes de développement de l’industrie en matière de jeu responsable sur les 5 à 10 prochaines années ?

Dans 5 à 10 ans, nous aurons significativement réduit le risque de jeu nuisible. Nous n’éliminerons jamais le jeu compulsif, mais en travaillant en partenariat avec les opérateurs et en s’appuyant sur la technologie, nous découvrirons des centaines de choses qui pourraient être des signes avant-coureurs jusque-là ignorés. Je pense donc que nous allons améliorer l’efficacité et la performance de nos outils de jeu responsable, en collaborant et en faisant preuve de sérieux.

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